Pourquoi apprendre à se connaître est un acte politique et écologique
« Nous voulons sauver la planète, mais savons-nous seulement comment nous sauver nous-mêmes ? »
– Thomas d’Ansembourg
Dans un monde en quête de transformation écologique, sociale et intérieure, la question du lien entre soi et les autres, entre intériorité et engagement, devient centrale. Cet article est né d’un besoin de sens, d’une envie profonde de réconcilier écologie intérieure et transition collective, inspiré par l’approche lumineuse de Thomas d’Ansembourg, l’un de mes mentors.
🧭 À travers ses conférences, ses livres (notamment Du JE au NOUS – L’intériorité citoyenne), ses stages de Communication Non Violente (CNV) et ses interventions comme celle sur Thinkerview, il nous invite à réconcilier deux dimensions trop souvent séparées : le soin de soi et l’action dans le monde.
Dans ce texte, je te partage des clés de compréhension, des témoignages et des pistes concrètes pour nourrir ta propre transition — car, oui, le changement commence en nous, et pas seulement dans les urnes ou dans mon mode de consommation.
🧘♂️ Se connaître pour changer le monde : une voie oubliée
L’intériorité n’est pas un luxe

L’idée selon laquelle « prendre soin de soi, c’est être égoïste » est encore tenace. Pourtant, comme le souligne Thomas d’Ansembourg, on ne peut pas prendre soin des autres durablement si l’on est déconnecté de soi-même. La connaissance de soi est une fondation.
Mes deux stages de CNV avec Rédouane Saloul ont été des moments de transformation profonde. Éduqué à rester dans le mental, à juger vite et fort, j’ai peu à peu découvert une autre posture intérieure : l’empathie vers moi, la reconnaissance de mes émotions, de mes besoins, ma suspension du jugement envers moi et envers les autres. Et cela a tout changé.
Car plus je comprends l’humain en moi, plus je peux comprendre celui qui est en face.
🧠 Qui est Thomas d’Ansembourg ?
Formé au barreau de Bruxelles, Thomas d’Ansembourg débute sa carrière comme avocat. Très vite, il réalise que la justice institutionnelle a ses limites lorsqu’elle ne s’accompagne pas d’une transformation personnelle.
Il se forme alors à la psychothérapie et à la Communication Non Violente (CNV) auprès de Marshall Rosenberg. Il devient l’un des grands transmetteurs de l’intériorité en Europe francophone. Depuis 20 ans, il anime des conférences, stages, et écrit des ouvrages qui font le pont entre éveil personnel et transformation sociétale.
Son approche ? Aller de la tête au cœur, puis du cœur au monde.
🚧 Les enfermements mentaux : nos prisons invisibles
Thomas d’Ansembourg parle d’enfermements : ces schémas mentaux rigides qui conditionnent nos comportements… et freinent notre évolution personnelle comme collective. Voici deux de ces grands pièges :
1. La culture du malheur : être victime, encore et toujours

La culture du malheur. Le goût du drame, l’attachement à la souffrance, le verre systématiquement à moitié vide ; se plaindre de tout sans rien construire, sans prendre les choses en main, sans bouger ce qui peut l’être, même à petite échelle. Cette habitude de se plaindre et de s’attacher au drame nous plombe totalement. Tant que je reste dans cet état d’esprit, je ne bouge pas—ni seul, ni collectivement.
Sortir de cette logique, c’est reprendre sa responsabilité : commencer à regarder ce qui est possible, ce qui est déjà là.
2. L’addiction à l’affrontement
Culturellement, nous avons appris à réagir par la force. Lorsqu’un désaccord émerge, nous partons vite dans la confrontation : jugement, ironie, rejet, fermeture.
Dans mes propres discussions autour de l’écologie, il m’est arrivé — malgré moi — de braquer des interlocuteurs. Par exemple : « Ecoute ce que dit la science, laisse-moi t’expliquer. » Résultat : crispation. Dialogue rompu. Et pourtant, l’intention était bonne.
C’est là que l’enseignement de Thomas prend tout son sens : on ne change pas l’autre par la force, mais par l’écoute, l’exemple, le lien. Aux personnes les plus difficiles à convaincre, le mieux que je puisse faire est de leur laisser des « petits cailloux blancs », des repères qui indiquent le chemin.

❤️ Apprendre l’empathie : un outil de paix sociale
L’empathie, ça s’apprend
Pourquoi n’apprend-on pas l’auto-empathie à l’école ? Cette capacité à se relier à soi, à nommer ses émotions, ses besoins, à se parler avec douceur ? Elle est pourtant la clé du vivre-ensemble.
Quand je suis en colère, frustré, blessé… et que je sais écouter ce qui se passe en moi, je suis beaucoup moins tenté de projeter ça sur les autres.

Et plus je m’écoute avec bienveillance, plus je peux accueillir l’autre dans sa différence. Même s’il vote différemment. Même s’il mange de la viande. Même s’il roule en SUV.
🐢 Ralentir : une urgence collective
« On ne change pas de direction sans ralentir. » – T. d’Ansembourg
Dans un monde où tout va trop vite, où l’action est valorisée plus que l’intention, ralentir devient un acte de résistance. Ralentir, c’est se donner le temps de ressentir. De contempler. De réfléchir. C’est prendre du recul sur notre trajectoire. C’est là que naît la transformation durable.

Il existe des zones bleues, des lieux du monde où les gens vivent longtemps. On y observe un triple lien :
- À la nature (marche, jardin, alimentation simple)
- À une forme de spiritualité (au-delà du religieux)
- À une vie intérieure riche
Ce sont ces ingrédients qui nous permettent de retrouver notre boussole : ce « nord » intérieur, propre à chacun.
🔥 La violence n’est pas une fatalité
Thomas conteste cette idée que « l’homme est violent par nature ». Il observe au contraire que :
« La violence n’est pas la nature humaine, mais l’expression d’une nature frustrée. »
Quand mes besoins fondamentaux ne sont pas entendus — respect, écoute, reconnaissance, sens — je peux devenir agressif, cynique, fermé. Et c’est valable pour tout le monde, y compris les militants, les parents, les enseignants.
💡 L’enjeu : apprendre à nommer ses besoins, à en prendre soin ou à les faire entendre sans violence.
🌍 L’intériorité est politique
Beaucoup séparent encore spiritualité et politique. Pourtant, nos comportements, nos paroles, nos silences créent le monde dans lequel nous vivons.
« La manière dont je suis avec moi-même va influencer ma manière d’être en société. »
Thomas appelle cela l’intériorité citoyenne. Il ne s’agit pas de s’isoler pour méditer dans une grotte. Il s’agit de cultiver une présence à soi, pour devenir un citoyen plus lucide, plus aligné, plus libre.
🧑🤝🧑 Des valeurs « féminines » au cœur du leadership
Chaque année depuis 15 ans, Thomas est intervenant à Evian au Forum EVE qui valorise le leadership au féminin. Pourquoi ? Parce que les études montrent que les entreprises où les femmes sont présentes dans les instances de direction (au moins 30-40%) prennent de meilleures décisions, plus humaines, plus durables.
L’explication ? L’homme, par habitude, part très souvent tout droit : contrôle et commande, on y va à fond et en force. Pour l’intuition et la conscience de la systémie, les femmes disposent souvent d’une réflexion précieuse.

Culturellement, ce que l’on appelle les valeurs dites “féminines” — l’empathie, la convivialité, la concertation, la collégialité, l’attention mutuelle —sont davantage portées par les femmes. Mais si l’on dépasse ces stéréotypes lorsqu’elles sont portées par les hommes et par les femmes, on tient là une grande clé.
🤲 M’engager à mon échelle et la « fonction exponentielle du bien »
Je rejoins Thomas d’Ansembourg dans son désir que chacun d’entre nous soit davantage engagé dans la transition sociétale et écologique, que plus de personnes s’impliquent pour le monde qu’elles désirent. Que chaque citoyen se sente responsable de son petit écosystème.
Humblement, je ne peux pas changer le monde entier — et je dois abandonner ce rêve —, mais je peux changer mon monde. Là où je suis, avec mon conjoint ou ma conjointe, mes enfants, mon école, mes voisins, ma famille et ma belle-famille, je peux apporter la qualité d’écoute et de relation que je rêve de voir se diffuser.
On peut transformer le monde une personne à la fois. Au supermarché, par exemple, tu peux être irrité — fatigué, pressé, ta voiture mal garée — et maltraiter la caissière. C’est un choix. Tu peux aussi prendre du recul : « Bien sûr, je suis fatigué et pressé ; bien sûr, elle est plus lente que ce que j’aurais voulu. Et en même temps, elle aussi est fatiguée : c’est vendredi soir. » Alors, tu lui offres un sourire, un peu d’empathie : « La journée a été fatigante, vous avez hâte de rentrer ? » Ça change déjà le monde.

Nous appelons cela la fonction exponentielle du bien : tu aides trois personnes et tu les invites chacune à aider, à leur tour, trois autres personnes — à être gentilles et bienveillantes avec trois autres. Le bien est contagieux, et il est exponentiel.
C’est celle-là, la croissance exponentielle que nous voulons créer et encourager !
🔗 Pour aller plus loin

- 📘 Du JE au NOUS – L’intériorité citoyenne, Éditions de l’Homme
- 🎥 Interview Thinkerview de Thomas d’Ansembourg
- ⚙️ Formations avec Redouane Saloul à l’Ecodomaine de Vailhauquès, près de Montpellier
- 🌐 ACNV / Association pour la Communication Non Violente
« On ne change pas de direction sans ralentir. »
Cette phrase résonne profondément. Dans mes propres voyages, c’est souvent en m’arrêtant — face à un paysage, un regard, une rencontre — que j’ai compris ce que voulait dire “transition”.
Ralentir, c’est résister au tourisme de masse, mais aussi à la fuite de soi-même.
Merci pour cet article qui donne du sens à la lenteur et rappelle que la transformation collective commence dans l’intime.
Merci beaucoup ! Pour moi la transition c’est aussi une alternance de changements lents et d’illuminations ! Il est clair que les voyages aident à ce processus, encore faut-il bien choisir ses voyages 🙂
En effet, le véritable changement commence en nous, d’où l’importance de savoir écouter ce qui s’y passe.
Cela ouvre le champ de nos possibilités, tout en nous permettant de mieux être à l’écoute des autres. Hélas, trop peu de personnes en sont conscientes.
Merci Bruno ! A travers les articles de ce blog nous allons aborder les clés de la connaissance intérieure, à suivre !
En tant que femme, qui codirige une entreprise associative avec des valeurs « féminines » (la formation à la CNV est un prérequis pour les membres de l’équipe), dont la fonction est justement de mettre la connaissance de soi et l’empathie au coeur de notre système éducatif, je me sens triplement concernée par ton article ! Merci de rappeler que l’écologie est d’abord intérieure.
Merci Pauline, ça doit être merveilleux de mettre en place et de faire vivre une équipe qui pratique la CNV !
Un grand merci pour ce magnifique texte, plein de profondeur et de vérité.
L’humain fait partie de son environnement et son écologie intérieure conditione l’écologie de ses relations et l’écologie de son monde extérieur.
Je crois que l’homme est foncièrement inspiré par un désir de bien faire. Que beaucoup de mal est fait par maladresse, en pensant bien faire, ou comme réaction de frustrations ou de mal être. Prendre soin de nous, apprendre à nous connaître et avoir des outils pour développer notre intelligence profonde, est la voie puissante vers la transformation épanouissante de chacun et du monde.